Frédéric Nogray

14Nov09

Frédéric Nogray joue sur les particularités esthétiques et acoustiques des lieux : il a enregistré fin 2007 son album « Nelki » (sorti en décembre 2008 sur le label Prele Records) dans une église en Normandie.
Dans le kiosque dédié au départ aux musiques électroniques, il a souhaité exploiter et transformer les possibilités de l’installation en générant pendant son concert des fréquences proches de la musique électronique, mais qui sont entièrement acoustiques car produites par des bols en cristal. Il a pour cela installé deux micros qui captent l’ambiance à l’intérieur du kiosque mais aussi tout le contexte sonore extérieur de la Galerie Sud du Centre Pompidou. Le musicien part d’une obligation technique (il est impossible d’isoler phoniquement le kiosque) et en fait le moteur de sa création pour tenter de mêler deux univers a priori opposés.

Frédéric Nogray savait en amenant ses « bols chantants » que son concert serait diffusé dans les casques mais aussi perceptible sans ces derniers, et il voulait donc commencer à jouer en dehors du kiosque de manière complètement acoustique et entrer ensuite pour que les auditeurs mettent leurs casques en même temps que lui. Or il n’a jamais eu les mains libres, n’a pas pu s’équiper et a donc joué sans entendre la même chose que le public.
Il s’agissait tout d’abord pour lui d’ouvrir le concert à tous, sans sélection, mais aussi par extension de faire deux concerts complètement distincts : selon qu’ils ont un casque ou non, les spectateurs entendent deux sets différents.
Cette différence de perception lui plaît car elle ajoute une donnée qui rappelle ses expériences passées sur le hasard. Frédéric Nogray créait avec des machines comme des tables de mixage ou des filtres analogiques des larsens qu’il essayait ensuite de diriger, découvrant donc le son en même temps que le public.
Il voulait en travaillant sur ces larsens et instruments électroniques atteindre un état de conscience modifiée qu’il n’arrivait pas à produire. Lors de la visite d’un salon industriel il y a 5 ans, il a involontairement heurté avec son casque un creuset en quartz et découvert ainsi le son exact qu’il cherchait. Pour ce musicien qui désirait sortir de l’ordinateur et de l’électronique, ce fût une véritable rencontre, placée une fois encore sous le signe du hasard.

Frédéric Nogray joue d’habitude avec 9 à 12 bols chantants qu’il fait résonner en passant sur leurs rebords des baguettes terminées par des balles de caoutchouc. Il travaille sur des jeux de phases, c’est-à-dire la manière dont les fréquences jouent entre elles et produisent des battements générant un effet psycho acoustique comparable à celui de l’autohypnose.
Parvenir dans le kiosque à ce résultat est presque impossible car le musicien n’a pour des raisons de place pas pu amener les plus gros bols qui produisent des basses très puissantes.
Il a donc adapté son set et utilisé un jeu de bols tibétains en métal du XIXe siècle aux fréquences très pures.
Mixer les creusets en cristal et les bols tibétains lui permet alors de créer ces fréquences de battement qui ont un effet non seulement sur le public, mais aussi sur lui.
Pendant le concert, la plupart des spectateurs qui ont un casque s’allongent au même moment, plongés dans une écoute étrangement profonde et déconnectée du monde extérieur, pour finalement se redresser à peu près en même temps, alors que le musicien semble lui aussi complètement absorbé par ses gestes fluides et les sons produits par les bols en cristal qui semblent rayonner de l’intérieur.
Frédéric Nogray refuse de penser le son, dans une perspective proche de celle de John Cage. Pour éviter le côté mental de la musique et accéder à une écoute qu’il nomme intrapsychologique, il produit des fréquences qui le font entrer dans un état de conscience élargie grâce auquel il fait évoluer le son sans influence aucune de ses propres goûts musicaux. Il dit jouer avec ses oreilles, qui sont ses véritables instruments, et même s’il a en ce moment une pratique instrumentale avec les bols chantants, il peut en réalité faire un concert avec n’importe quel élément. Il a par exemple joué avec un ventilateur un jour où son ordinateur était tombé en panne juste avant un concert. De la même manière, il n’avait jamais avant le kiosque électronique utilisé les bols tibétains, qui sont venus palier l’absence des bols en cristal les plus grands.

La pratique de Frédéric Nogray dépend ainsi des lieux où il joue et des données qu’il ne maîtrise pas, et qui dans le kiosque se sont accumulées.
Il n’a en effet pas eu le temps de faire tous les réglages qu’il souhaitait en répétition, n’a pas eu l’occasion de mettre son casque, mais surtout n’a pu inviter comme prévu initialement la plasticienne Félicie d’Estienne d’Orves : cette artiste imagine des sculptures lumineuses sur de la bruine ou de la fumée, impossibles à utiliser dans l’espace ouvert de la Galerie Sud.
Ils ont travaillé ensemble sur  plusieurs installations dont « Gong », présentée cette année dans l’exposition « Les nouveaux monstres » du festival Exit à Lille, et qui fait partie de la série « Cosmos ».
L’absence de Félicie d’Estienne d’Orves l’a obligé à repenser son concert et à créer à partir de la contrainte, une des lignes directrices de tout son travail.

 

http://www.myspace.com/fredericnogray

http://www.feliciedestiennedorves.com/
http://www.dailymotion.com/video/x8ppid_gong-felicie-destienne-dorves_creation




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